En tête-à-tête avec Pakissi
Quand on parle de la culture hip-hop lausannoise, il ne faut pas longtemps avant d’entendre le nom de Pakissi. À 23 ans, il s’est créé une notoriété dans la région et une communauté Instagram de plus de dix mille followers. Ce jeune homme plein d’ambition a réussi à allier sa passion pour la danse à son travail à plein temps et il ne s’arrête pas là. Il a pour objectif de créer une institution pour la culture hip-hop à Lausanne. Nouveau Riche est allé à sa rencontre pour en savoir plus sur son parcours et sa perception du monde de la danse.
Qui es-tu ?
Je suis Pakissi, j’ai 23 ans, je suis danseur, professeur de danse, modèle, vidéaste, beatmaker et gestionnaire de commerce chez Swisscom.
Que représente la danse pour toi ?
Pour moi la danse c’est une thérapie qui me permet d’évacuer des frustrations et de conscientiser beaucoup de choses. Tout ce que je ne peux pas dire, je peux l'exprimer en dansant. Je me sens réellement libre de m’exprimer comme je veux, sans aucune barrière.
D’où vient ta passion pour le hip-hop freestyle ?
À 10 ans, j’ai commencé par le breakdance à l’école de danse “1st Move” à Renens avec Ahmel aka bboy buya. J’ai ensuite fait mes premiers steps de hip-hop aux côtés de Said, un autre professeur, avant de me mettre au Krump, qui est une danse urbaine. Mais je ne me retrouvais pas dans ces danses. J’ai eu un coup de cœur pour le hip-hop freestyle quand mon grand-frère m'a présenté à celui qui est devenu mon papa de cœur, Mams. À 15 ans, je fraudais le train pour aller m’entraîner à Montreux tous les mercredis soirs avec le crew. Je devais allier ma passion à mon apprentissage de dessinateur en bâtiment, le rythme était intense.
Comment t’es-tu fait connaître dans le milieu du hip-hop ?
J’ai commencé à avoir pas mal de followers vers 16 ans, quand j’ai voyagé. Je postais du contenu sur mon Instagram régulièrement. Mais c’est évidemment dès que je suis sorti de la Suisse que j’ai commencé à me faire connaître. Aujourd’hui, j’utilise également Tik-Tok pour partager mon contenu, même si je n’adhère pas trop à ce réseau social. C’est aussi ça être un artiste, il faut savoir évoluer avec son temps et s’adapter aux nouveaux moyens de communication.
D’après toi, est-ce donc impossible de percer en restant en Suisse ?
Non, c’est tout à fait possible de percer en restant en Suisse, c’est juste plus difficile à mon sens. Ça dépend aussi de ce que chacun entend par “percer”. Selon moi, c’est en sortant de la Suisse qu’on gagne en reconnaissance dans la danse, mais aussi dans le rap. Des artistes comme Makala ou Arma Jackson l’ont montré. C’est dommage, car ça pousse les artistes à s’éloigner du public suisse en allant là où on donne réellement en retour.
D’après toi, d’où vient cette difficulté ?
Il n’y a pas assez de média et pas assez d’institution qui soutiennent notre culture en Suisse. Combien y a-t-il de studios pour la culture urbaine à Lausanne ? Il y en a zéro. Par contre pour la danse contemporaine, là il y a tout ce qu’il faut ! On vient ensuite nous parler d’égalité et de partage dans la danse, alors qu’une seule culture est soutenue dans ce pays.
Est-ce que tu t’attends à ce que les choses bougent ?
Je n’attends rien des institutions existantes. Si j’ai bien appris quelque chose, c’est qu’il ne faut rien attendre des autres. Beaucoup de promesses sont faites, mais rien ne bouge. Un de mes projets est de créer une institution pour la culture urbaine à Lausanne. C’est une des capitales de la culture hip-hop, il y a clairement quelque chose à faire ici.
Peux-tu nous en dire plus sur ton projet de créer une institution ?
Le but serait de créer des agences de placements, des formations pour les danseurs, créer un média autour de la danse urbaine pour se rapprocher des grandes institutions. Il y aurait aussi des ateliers et des événements pour que les gens puissent en apprendre sur la culture hip-hop. L’idée est que chacun puisse apporter sa pièce à l’édifice et contribuer à cette culture. Je tenterai de calmer les frustrations à travers ce projet et créer un tremplin en Suisse, car il y a énormément de talents, mais aucune visibilité ne leur est offerte.
Un(e) danseur(se) qui t’inspire et pourquoi ?
Mon grand frère Stylez’c de Vevey. Il a compris que quand tu veux quelque chose et que tu te donnes les moyens, tu y arrives. Dès que je l’ai rencontré, il m’a considéré comme son petit frère. C’est un artiste qui s’exprime avec son propre langage et qui impose son identité et sa signature dans sa danse. Aujourd’hui, il est danseur Red Bull et il collabore avec plusieurs artistes dans le monde de la mode.
Qu’est-ce qui te plaît le plus dans la danse ?
Beaucoup trop de choses. Si je devais choisir une chose, c’est le fait de rencontrer des gens qui veulent juste ton bien, qui souhaitent passer des moments de pure partage avec toi, en mettant de côté tout le reste. De la bienveillance à l’état pur.
Peux-tu nous raconter ta plus belle expérience depuis que tu danses ?
Une battle que j’ai récemment faite. J’ai tendance à retranscrire des images fortes dans mes pas de danses. Dans mon passage, je raconte l’histoire de George Floyd. On me voit au début faire le point BLM, je mime des personnes en train de filmer, en référence à ceux qui filmaient George Floyd. Il y a eu un silence dans la salle. Les spectateurs ne regardaient pas seulement mon passage, mais ils écoutaient ce que j’avais à raconter.
As-tu une devise que tu souhaites partager aux lecteurs ?
Ne pas faire les choses pour les autres. Peu importe ce qu’on nous dit, il faut rester soi-même. C’est comme ça qu’on obtient ce que l’on veut.